Portrait

PORTRAIT 2008

A l’heure des nouveaux grands questionnements, des dernières angoisses existentielles, des incertitudes de tous bords, voici affichée une précieuse page d’optimisme sincère et riche de sens.

Le travail de Mélys consiste en une description objective de notrequotidien, de ces lieux qui portent notre quotidien.

Objective car distanciée, non sélective, non orientée, non fermée.

Objective, aussi, par sa façon de ne pas se soumettre à la morosité ambiante, à ce sempiternel culte du drame, à ce plaisir ostentatoire de la souffrance, à cette gravité universelle qu’aurait sans doute niée Newton.

 

Pourtant, Mélys peint nos villes, nos usines, nos gares, nos ports.

Poésie moderne: Elle écrit d’une main qui pardonne ce qu’il est coutume d’appeler le réel. En effet, rompue à une naturelle compassion, usant d’une large compréhension, elle ne fixe pas le trait, ne réduit pas le caractère, ne scande aucune étroite vérité.

Son réel, le nôtre, n’est pas jugé, il est accepté, aimé.

L’humain y est omniprésent. Bien que très rarement représenté,

il trône, au figuré. Habitable, l’œuvre de Mélys est une humble invitation.

 

 D’intérieurs en extérieurs, dans un aller-retour incessant du proche au lointain, Mélys raconte son enthousiasme, sa curiosité. Sa peinture va chercher la vie à l’endroit même où celle-ci se cache. Il ne s’agit pas d’une gaieté de surface. Mais bien d’une paix profonde qui illumine ses sujets.

Voilà tout le talent de cette artiste qui réchauffe, qui anime les choses inertes, rend compte du contenu affectif de nos paysages urbains négligés.

Gaie, chaleureuse, humaine, la personnalité entière du peintre Mélys déborde dans ses toiles sans détours. Les couleurs soutenues se disputent la place enviée de guide, le dessin s’adapte audacieusement au seul contour de son regard, la composition reste libre de tout stratagème.

La vie s’impose dans le fourmillement de ses détails, la concentration, la répétition, l’accumulation des objets mis en scène. Une puissance tranquille,

une force généreuse, chaleur et fraîcheur, à tour de rôle, pansent les plaies de nos errances dans ces lieux pas si communs.   

 

Mélys nous invite donc à mieux considérer notre présent et, à ses côtés, nous découvrons un infini de ressources inépuisables. Ainsi, rien n’est perdu.

 

PORTRAIT 2012

Aujourd’hui, Mélys nous réoriente.

Et joue désormais sur deux tableaux.

Après nous avoir invité à mieux considérer notre quotidien, ces lieux qui portent notre quotidien ; Nos paysages urbains négligés. Après avoir peint nos villes, nos usines, nos gares ou nos ports. Sans détours, avec humanité. Usant sans calcul de son précieux pouvoir calorifique. Nous livrant à cette vie féconde qui illumine ses sujets. Après avoir débusqué tant de lumière cachée. Après s’être elle-même nourrie, emplie, ressourcée. Mélys nous offre une distance nouvelle, un virage déjà annoncé. Son cadrage jusqu’alors précis, ajusté, ciselé, devient plan large, globalisé. Les détails, la proximité, les scènes parfois chaleureusement encombrées laissent davantage de place, d’espace, de respiration. Alors surviennent naturellement le souffle et le mouvement. Plan large et mobile, le contenant s’efface, le cadre est dépassé. Le réel est déshabillé, le superflu ôté. Restent un rythme, une vibration, l’essentiel, le fond. Et beaucoup de navigation. Le résultat de cette progressive et heureuse distillation, Mélys le nomme Peinture figurative infidèle.

 

Mais ce n’est pas tout. Evoqué plus haut, le deuxième tableau comporte une troisième dimension. Premier langage choisi par l’artiste, l’expression modelée, sculptée revient habiter sa gestuelle. Le maître mot est le lien. En véritable guide sur le chemin de nos vagabondages, Mélys tisse sa toile. Nul besoin de nous capturer. Mais il est vrai que, dans son sillage, nous la suivons de près. Mélys file grand train. L’enthousiasme, la curiosité, la générosité de l’artiste nous sont devenus familiers. Et, là aussi, Mélys nous emporte, nous dévergonde. Sa sculpture bouge en un mouvement paisible et parfaitement inlassable. Au début, on l’imagine sagement broder quelque récit mais, de suite, c’est l’engrenage ! Mélys échafaude, enchevêtre, tisse, coud, crochète, entrelace, tresse ; Elle lie, noue, accroche, amarre, attache, rapproche, raccommode. Cordages cueillis sur la plage, extraits de charpente et autres matériels rencontrés décident ici de leur nouvelle vie. Hautes en couleur, les dimensions s‘envolent, leur cime est parfois hors d’atteinte. Une pelote qui roule, se déroule et affectueusement enroule tout sur son passage. Elle étire le fil sans jamais l’affaiblir ni le rompre. Son propos n’est pas d’éprouver la résistance des matériaux, ni de mener à la rupture, à la limite. Pas plus que de trop tendre, de surtendre, mais bien plutôt de sous-tendre le lien qui, peut-être, nous aurait échappé. En toute bienveillance, Mélys sculpte notre équilibre instable.

  

Didier Lassalle, architecte